Diderot, Supplément au voyage de Bougainville - Pleurez, malheureux tahitiens !» Analyse d'un élève sur le discours du texte les méfaits de la civilisation et l'éloge de la vie sauvage. Dernière mise à jour 16/03/2021 • Proposé par zetud élève Texte étudié Pleurez, malheureux Tahitiens ! pleurez ; mais que ce soit de l'arrivée, et non du départ de ces hommes ambitieux et méchants un jour, vous les connaîtrez mieux. Un jour, ils reviendront, le morceau de bois que vous voyez attaché à la ceinture de celui-ci, dans une main, et le fer qui pend au côté de celui-là, dans l'autre, vous enchaîner, vous égorger, ou vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices ; un jour vous servirez sous eux, aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux qu'eux. Mais je me console ; je touche à la fin de ma carrière ; et la calamité que je vous annonce, je ne la verrai point. O Tahitiens ! mes amis ! vous auriez un moyen d'échapper à un funeste avenir ; mais j'aimerais mieux mourir que de vous en donner le conseil. Qu'ils s'éloignent, et qu'ils vivent." Puis s'adressant à Bougainville, il ajouta "Et toi, chef des brigands qui t'obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive nous sommes innocents, nous sommes heureux ; et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature ; et tu as tenté d'effacer de nos âmes son caractère. Ici tout est à tous ; et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes ; tu as partagé ce privilège avec nous ; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras ; tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr; vous vous êtes égorgés pour elles ; et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres ; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n'es ni un dieu, ni un démon qui es-tu donc, pour faire des esclaves ? Orou ! toi qui entends la langue de ces hommes-là, dis-nous à tous, comme tu me l'as dit à moi, ce qu'ils ont écrit sur cette lame de métal Ce pays est à nous. Ce pays est à toi ! et pourquoi ? parce que tu y as mis le pied ? Si un Tahitien débarquait un jour sur vos côtes, et qu'il gravât sur une de vos pierres ou sur l'écorce d'un de vos arbres Ce pays appartient aux habitants de Tahiti, qu'en penserais-tu ?... Tu n'es pas esclave tu souffrirais la mort plutôt que de l'être, et tu veux nous asservir ! Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ? Celui dont tu veux t'emparer comme de la brute, le Tahitien est ton frère. Vous êtes deux enfants de la nature ; quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi ? Tu es venu ; nous sommes-nous jetés sur ta personne ? avons-nous pillé ton vaisseau ? t'avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? t'avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. "Laisse nous nos moeurs ; elles sont plus sages et honnêtes que les tiennes ; nous ne voulons plus troquer ce que tu appelles notre ignorance contre tes inutiles lumières. Tout ce qui nous est nécessaire et bon, nous le possédons. Sommes-nous dignes de mépris, parce que nous n'avons pas su nous faire des besoins superflus ? Lorsque nous avons faim, nous avons de quoi manger ; lorsque nous avons froid, nous avons de quoi nous vêtir. Tu es entré dans nos cabanes, qu'y manque-t-il, à ton avis ? Poursuis jusqu'où tu voudras ce que tu appelles les commodités de la vie ; mais permets à des êtres sensés de s'arrêter, lorsqu'ils n'auraient à obtenir, de la continuité de leurs pénibles efforts, que des biens imaginaires. Si tu nous persuades de franchir l'étroite limite du besoin, quand finirons-nous de travailler ? Quand jouirons-nous ? Nous avons rendu la somme de nos fatigues annuelles et journalières la moindre qu'il était possible, parce que rien ne nous paraît préférable au repos. Va dans ta contrée t'agiter, te tourmenter tant que tu voudras ; laisse-nous reposer ne nous entête ni de tes besoins factices, ni de tes vertus chimériques. Diderot, Supplément au voyage de Bougainville - Pleurez, malheureux tahitiens !» Bougainville est un homme du XVIIIème siècle qui a entreprit un tour du monde entre 1766 et 1769. A son retour, il publie le voyage autour du monde et en 1772, Diderot réagit en écrivant le supplément au voyage de Bougainville dans lequel il s’intéresse exclusivement à la halte tahitienne. Le supplément au voyage de Bougainville peut apparaître comme un éloge de la vie sauvage mais c’est aussi révélateur des interrogations de Diderot sur la société du XVIIIème siècle. Dans le chapitre 2, Diderot met en scène un vieillard, sorte de patriarche. Il fait un double discours d’une part adressé aux tahitiens, d’autre part à Bougainville. La deuxième partie du discours est un réquisitoire dans lequel Diderot oppose les deux civilisations. I - Les méfaits de la civilisation Les propos du vieillard sont intéressants car il évoque les beaux jours de son pays. C’est parce que le monde originel disparaît que le vieillard se lance dans une violente diatribe contre la civilisation. 1. L’arrivée des européens entraîne la violence. La cruauté et la destruction ont été apportés par les Européens on peut relever le champ lexical de la violence égorger », assujettir », sang », haïr »… L’utilisation de ces termes négatifs permet de tracer un tableau extrêmement critique mais réaliste du comportement des européens, cela permet de percevoir l’avenir malheureux des tahitiens. 2. Bougainville sujet de mépris Le discours lui est directement adressé interpellation violente Et toi chef des brigands »l15. Il est assimilé à un animal féroce l21, il est l’incarnation du mal l23, c’est un être orgueilleux ce pays est à toi ! Et pourquoi ? » l25. Il agit comme un criminel tu t’es vengé » l29. Bougainville est un ingrat Nos filles et nos femmes nous sont communes ; tu as partagé ce privilège avec nous ; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues »l19-20, il sème le trouble. Le vieillard déplore le mépris dont ils ont été l’objet sommes-nous dignes de mépris »l38 Les hommes paraissent extrêmement corrompus »l11 C’est un tableau pessimiste de la société du XVIIIème siècle et de son représentant Bougainville. 3. La première cause du mal la propriété Ceci apparaît l18 ici tout est à tous ; et tu nous as prêché je ne sait quelle distinction du tien et du mien. ». On retrouve cette thèse chez Rousseau dans le discours sur l’énigme de l’inégalité parmi les hommes. C’est une idée commune aux philosophes. La suite des propos du vieillard tient à nier le bien fondé de cette appropriation. La question oratoire ce pays est à toi ! Et pourquoi ? »l25 permet d’attirer l’attention du lecteur sur le comportement inadmissible du colonisateur. Le vieillard imagine un retournement de situation l26-27, celui-ci paraît incroyable, cela permet de souligner le comportement inadmissible des occidentaux. 4. La société des lumières fortement décriée Il suffit de s’attacher au vocabulaire extravagance »l10, corrompus », malheureux »l11, méprisables bagatelles »l28, inutiles lumières »l38, vertus chimériques »l47. L’interrogation rhétorique sommes-nous dignes de mépris parce que nous n’avons pas su nous faire des besoins superflus » l38 renvoie l’Europe à sa propre misère. La civilisation européenne repose sur l’artifice elle s’oppose totalement avec la vie sauvage. On peut relever un constant parallélisme entre les deux civilisations. II - Eloge de la vie sauvage 1. La vie naturelle est basée sur l’innocence Nous sommes innocents »l16 ceci parce qu’ils vivent en harmonie avec la nature nous suivons le pur instinct de la nature »l17. Cette innocence repose sur la communauté ici tout est à tous »l17. Cette communauté évite rivalité et violence. L’innocence transparaît aussi dans les mœurs laisse-nous nos mœurs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes »l36 On a le sentiment que l’innocence est liée au bonheur. Bonheur essentiel au philosophe des Lumières. 2. Liberté, tolérance Nous sommes libres »l22 affirmation catégorique. Cette liberté s’oppose à l’esclavage enchaînerr, assujettir »l10, notre futur esclavage »l23, tu n’es pas esclave »l30. Lorsque le vieillard évoque l’esclavage, il est virulent points d’exclamation. Le Tahitien est prêt à défendre sa liberté au prix de sa vie tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ! »l32 3. Accueillants Nos filles et nos femmes nous sont communes ; tu as partagé ce privilège avec nous »l19 l’emploi du terme privilège » montre la qualité de l’accueil. La série de questions l34-35 montre que les Tahitiens se sont conduits de manière hospitalière. Respect »35 les Tahitiens est respectueux de l’autre, mais l’Européen ne l’est pas. Egalité entre les hommes frères », enfants de la nature »l33 4. Simplicité de leur existence Leur existence et leurs désirs sont limités aux besoins immédiats faim », froid » L’absence de superflus est important tout ce qui est nécessaire et bon nous le possédons »l38 Le vieillard évoque une vie authentique aux antipodes de la vie civilisée. Il y a de la sagesse, une morale de contentement dans ses propos. Conclusion Diderot présente une vision négative sur la civilisation à travers les yeux du vieillard. C’est à l’opposé de la vie naturelle. Ce texte illustre la quête du bonheur des philosophes du XVIIIème. Cela nous renvoie au mythe du bon sauvage », à l’idée d’un ailleurs meilleur, à l’idée d’une société originelle non corrompue. C’est une sorte de philosophie épicurienne dans les propos du vieillard.
Décryptez Supplément au Voyage de Bougainville de Denis Diderot avec l’analyse du Que faut-il retenir du Supplément au Voyage de Bougainville , le conte
Onglets livre Résumé L’ouvrage fournit toutes les clés pour analyser le roman satirique et philosophique de Diderot. • Le résumé et les repères pour la lecture sont suivis de l’étude des problématiques essentielles, parmi lesquelles – Les personnages du Neveu et de Moi » le Philosophe » – Structure de l’œuvre – Les thèmes moraux – Une forme satirique. • Ce Profil d’une œuvre comprend également quatre lectures analytiques. Détails Partager via Facebook Partager via Twitter Partager via Pinterest Partager par Mail Imprimer la page A lire aussi Suite à l’incendie spectaculaire de Notre-Dame de Paris le 15 avril dernier, l’émotion a saisi une grande partie de la population... L’auteure guadeloupéenne Maryse Condé a reçu ce 12 octobre le "nouveau prix de littérature" remis exceptionnellement par des... Embarquez pour un nouveau voyage en Terre du Milieu grâce à Audiolib qui, pour fêter ses 10 ans, édite le plus grand des classiques d’heroic... Avis des lecteurs
Providedto YouTube by Believe SASOuvrir les esprits. Diderot, Supplément au voyage de Bougainville · Daniel Mesguish · Denis Diderot · Denis Diderot · Danie
Entre 1976 et 1977, Bougainville, marin, découvreur, journaliste, explore et raconte le Monde. De cette relation de voyage, Diderot entend donner sens... Lire la suite 2,00 € Neuf Poche En stock 3,00 € Expédié sous 3 à 6 jours 2,00 € En stock 3,20 € Expédié sous 3 à 6 jours 1,90 € Expédié sous 3 à 6 jours 2,00 € Expédié sous 3 à 6 jours 3,00 € Expédié sous 3 à 6 jours 3,30 € Expédié sous 3 à 6 jours 4,80 € Exclusivité magasins 3,05 € Actuellement indisponible 3,05 € Ebook Téléchargement immédiat 8,49 € Téléchargement immédiat 1,49 € Téléchargement immédiat 1,99 € Téléchargement immédiat 1,99 € Téléchargement immédiat 1,99 € Téléchargement immédiat 2,99 € Téléchargement immédiat 1,99 € Livre audio Expédié sous 3 à 6 jours 8,86 € Expédié sous 3 à 6 jours Livré chez vous entre le 30 août et le 31 août Entre 1976 et 1977, Bougainville, marin, découvreur, journaliste, explore et raconte le Monde. De cette relation de voyage, Diderot entend donner sens aux impressions prétendument brutes rapportées par le marin. La sexualité, l'autorité, l'organisation sociale, tout est prétexte à l'analyse savoureuse du plus prophète parmi les philosophes des Lumières. Date de parution 08/02/2005 Editeur Collection ISBN 2-84205-031-2 EAN 9782842050313 Format Poche Présentation Broché Nb. de pages 79 pages Poids Kg Dimensions 10,5 cm × 15,0 cm × 0,6 cm
Extrait Le Supplément au voyage de Bougainville a été publié en 1773 : un an après la fin de la publication de l’Encyclopédie, un an avant que Louis XVI n’accède au pouvoir. Diderot est l’un des plus célèbres philosophes des Lumières, mouvement du 18ème siècle qui vise à mettre en avant la raison, les sciences, le progrèsDenis Diderot Paradoxe sur le Microbien Nous poursuivons notre série dominicale consacrée aux pastiches d’écrivains en publiant cette semaine un écrit inédit de Denis Diderot, retrouvé dans une aile désaffectée de la Bibliothèque nationale de France. Nous espérons que ce texte bref et léger, composé selon toute vraisemblance en novembre 1773 lors d’un séjour de l’auteur à Saint-Pétersbourg, amusera nos lecteurs en ces temps incertains. … Lire la suite Category Littérature, Pastiches Tags confinement, Coronavirus, COVID 19, Denis Diderot, Jacques le Fataliste et son maître, Le Neveu de Rameau, littérature, Lumières, Paradoxe sur le comédien, parodie, pastiche, Regrets sur ma vieille robe de chambre, Supplément au Voyage de Bougainville, test PCR SUPPLÉMENTAU VOYAGE DE BOUGAINVILLE, Denis Diderot (résumé & analyse) SUPPLÉMENT AU VOYAGE DE BOUGAINVILLE, Denis Diderot (résumé & analyse) Obtenir ce document Voir sur l'admin Extrait du document. En 1771, paraissait à Paris le Voyage autour du monde, récit de son périple par l’explorateur Louis Antoine de Bougain-ville. Celui-ci avait alors séduit la cour et le Analysecomplète de l'oeuvre, Supplément au voyage de Bougainville - Denis Diderot (Fiche de lecture), Sophie Lecomte, Fichesdelecture, Fichesdelecture. Des milliers de
LeSupplément au voyage de Bougainville (Denis Diderot) : Analyse. Description de l'analyse (fiche de lecture) sur Supplément au Voyage de Bougainville (Denis Diderot) L’analyse détaillée du conte philosophique du Supplément au voyage de Bougainville de Denis Diderot (14 pages, format PDF) comprend des compléments de lecture particulièrement précis grâce auxquels les
Dwe8JC.